Des mètres carrés qui prennent la poussière

Rien qu’en Île-de-France, 1,2 million de mètres carrés de bureaux sont à l’abandon. Ces bâtiments de plus de 1 000 m², inoccupés depuis au moins deux ans, n’ont ni preneur ni projet de reconversion en vue. Une sorte de no man’s land immobilier, où même les néons fatigués ont cessé de clignoter.

Pourquoi un tel désert de bureaux ? La crise sanitaire a frappé fort, laissant derrière elle des entreprises en faillite et des sièges sociaux vides. Mais la pandémie n’a pas seulement précipité la fermeture de sociétés : elle a aussi ancré de nouvelles habitudes de travail. Télétravail, flex office, coworking… Les employés ne sont plus tous présents au bureau du lundi au vendredi, ce qui réduit les besoins en mètres carrés. Résultat : les grandes surfaces de bureaux sont devenues des villes fantômes du tertiaire.

Et si l’on regarde ailleurs en France ? On trouve 800 000 m² de bureaux délaissés, notamment à Lille et dans ses environs. Un constat qui commence à titiller l’idée d’une reconversion massive. D’ailleurs, certains projets ont déjà démarré : à Lyon, le groupe Icade transforme 8 000 m² de bureaux en 105 logements.

  Des logements plutôt que des ruines modernes ?

Le Consortium des Bureaux en France avance une estimation frappante : en réhabilitant ces espaces, on pourrait loger jusqu’à 53 000 personnes en cinq ans. Dans un contexte de pénurie de logements et de loyers en hausse, cette solution a de quoi séduire.

  Une reconversion verte et durable

Plutôt que de laisser ces bureaux tomber en décrépitude ou de construire de nouveaux immeubles, rénover l’existant permettrait de limiter l’artificialisation des sols. Une perspective en accord avec la loi ZAN (Zéro Artificialisation Nette), qui vise à diviser par deux l’étalement urbain d’ici 2031. Moins de béton, plus de réhabilitation : un choix qui ferait plaisir à la planète.

D’autant que démolir pour reconstruire est souvent plus polluant que de rénover un bâtiment. Plutôt que de raser ces bureaux comme un mauvais souvenir, pourquoi ne pas leur offrir une seconde jeunesse ?

  Un coup de pouce pour le logement social

Transformer ces friches en logements ne répondrait pas seulement à une contrainte écologique, mais aussi à une urgence sociale. En 2023, 2,6 millions de ménages attendaient un logement social, avec un délai moyen de 520 jours pour en obtenir un. Et pourtant, 70 % des foyers y sont éligibles.

Certains territoires, comme Seine-Saint-Denis, Grand Lille ou Nanterre, pourraient grandement bénéficier de ces reconversions. Imaginez un ancien immeuble de bureaux métamorphosé en résidence étudiante, en logements sociaux ou en écoquartier mêlant habitations, commerces et espaces verts… Une manière de redonner vie à des zones en perte d’attractivité, tout en soutenant l’économie locale.

  Encore faut-il que ça bouge…

Si l’idée semble pleine de bon sens, les obstacles restent nombreux : coûts de transformation élevés, réglementations complexes, réticence des investisseurs… Certains bâtiments ne sont tout simplement pas adaptés à un usage résidentiel (plafonds trop bas, absence de fenêtres ouvrables, isolation déplorable…). Mais avec des incitations publiques et une volonté politique, ces reconversions pourraient bien devenir la norme plutôt que l’exception.

Alors, au lieu de laisser ces mètres carrés vides servir de décor aux toiles d’araignées, pourquoi ne pas en faire des logements ? Après tout, un bureau sans employé, c’est comme une cuisine sans cafetière : ça ne sert plus à grand-chose.